Espoir
Quand l'ai-je écrite, cette petite histoire? Je ne m'en souviens pas vraiment. Il y a un an environ. Mais j'ai été agréable surprise de retomber dessus en rangeant mon bureau (comme quoi ça sert ). Je précise, aucune ressemblance quelconque avec moi ou un aspect de ma vie
Enjoy.
-Non.
La porte claque derrière moi et je m'éloigne d'un pas tranquille, sans un mot ni un regard en arrière. Je ne crains plus les coups et les cris. De toute façon, il y a bien longtemps que les gens ont compris que cela ne changerait rien.
Non.
Ma vie est ainsi, une succession de négations. Tant de fois, j'ai prononcé ce mot si bref, souvent avant même de savoir de quoi on voulait vraiment me parler. Et jamais je ne suis revenue sur ma décision.
On me traite de folle, d'hystérique, de garce. Savent-ils que je les entends? Sans doute, quelle importance ? Le regard des autres ne m'atteint plus depuis un moment. De plus, peut-on reprocher aux gens de détester quelqu'un qu'ils ne comprennent pas et qui ne fait aucun effort pour être comprise?
Lorsque je pousse la porte de l'immeuble, le froid hivernal m'agresse et j'enfonce mes petits points dans les poches de ma veste en traversant la rue. Une foule d'inconnus se presse autour de moi, mais je la remarque à peine. Je suis ailleurs, au dessus d'eux, là où personne ne peut entraver ma soif maladive de liberté.
« t'as un problème, toi », bougonne un mec d'une vingtaine d'années. Il était sur mon chemin, je l'ai écarté d'un coup d'épaule. Bien sûr que j'avais un problème. Qui s'acharnerait à contredire et à blesser ceux qui ne cherchent qu'à aider, à détruire avec méticulosité toutes les opportunités qu'offrait une naissance plus qu'avantageuse?
Je suis une marginale coincée dans une cage dorée. Je hais ce monde pourri et lui me le rend bien.
Qu'ai-je refusé, cette fois ? Je ne sais pas vraiment. Le simple fait de chercher à m'imposer un avis qui n'est pas le mien m'irrite. Insupportable gamine, n'est-ce-pas ? Plus que ça. Terrifiante, voire dangereuse. Sous mon apparence soignée et sage, mon visage d'ange et ma corpulence fragile sommeille un vrai démon. Croisez mon regard et voyons si vous n'en avez pas le souffle coupé. Mère Nature avait un petit coup dans le nez lorsque je suis venue au monde.
Lasse de marcher, je me laisse tomber sur un banc et regarde couler la Seine. Il est tard maintenant, et Paris s'est tue peu à peu.
Au bout d'un moment, quelqu'un s'assoit à mes côtés sans que je ne lui adresse un regard. Aurais-je seulement remarquer sa présence s'il n'avait pas ouvert la bouche?
« pourquoi pleures-tu ? »
une voix douce insupportable, un accent venu d'ailleurs. Et une question stupide, puisque mes joues sont vierge de toute larme, et ce depuis plus de dix ans. Deux orbes d'un noir d'encre me transpercent lorsque je lève les yeux, et ma remarque acerbe reste coincée dans ma gorge. Trop de pureté dans ces yeux sombres, beaucoup trop. Pour la première fois depuis longtemps, la situation m'échappe. Il sait. Il sait ! Il l'a vu, cette douleur que j'avais enfoui si profondément que je l'avais presque oubliée. Sa main se pose sur ma joue et je suis incapable de bouger, moi qui abhorre tout contact physique. Je ne peux que le regarder.
Son teint pâle, ses cheveux, son visage...ses yeux. Tout en lui me paraît si pur, si parfait comparé à ce que je suis que ça me fait mal.
Mes doigts se referment inconsciemment sur la main posée sur moi.
« pourquoi toi? »
Ma voix est rauque, incertaine. Il sourit. Mue par un étrange instinct, je ferme les yeux et niche mon visage au creux de son cou. Qui est-il, d'où vient-il, que me veut-il ? Qu'importe. Une douce quiétude m'envahit, le démon s'apaise. Et un sentiment nouveau surgit.
« Sauve-moi. »